Ouvrage collectif dirigé par M. LE CORRE, S. BACRIE et A. HELIAS-PEAN Préface de Françoise GIROMINI ; Deboeck supérieur ; 2022.
Corps et groupe : une lecture psychomotrice
Claire Bertin fait une analogie entre le corps et le groupe. Dans une approche novatrice et spécifiquement psychomotrice, elle crée un pont entre l’analyse des dynamiques groupales et les structures corporelles pour proposer une grille de lecture psychomotrice du groupe.
Extrait…
De quel corps s’agit-il dans le groupe ? Parlons-nous du même corps en individuel et en groupe ? Faut-il privilégier notre attention vers « les corps en groupe » ou sur « le corps groupal » en lui-même ? Quelle théorie soutient la notion de groupe en psychomotricité ? Et peut-on imaginer une grille d’observation et de lecture du groupe basée sur les grands principes de l’organisation corporelle ?
La matière du groupe : un rapport de corporéité
Nous pouvons imaginer que comprendre et engager le lien à autrui, c’est aussi se situer dans un rapport de corporéité : mon corps, le corps d’autrui, le corps des autres, « le corps groupal ». Qu’entend-t-on par cette notion de corporéité ? Elle semble regrouper tant notre manière d’être au monde, nos modes de présence, que notre investissement corporel et ses représentations. Le corps est donc en jeu dans toute relation et cette rencontre est, de fait, inscrite dans une spatialité et une temporalité : être en face de, à côté ou derrière ; me rapprocher, m’éloigner, garder ses distances avec ou au contraire, m’engager, me laisser envelopper ici et maintenant, puis refuser ou éviter un peu plus tard, etc. Ce dialogue corps – espace – temps se fait également avec plus ou moins d’intensité, de force ou d’inhibition vers les autres : comment je m’engage et je m’investis dans la relation ? Avec quel support, quels appuis, quel dynamisme, etc. ?
Histoires d’appuis…
Le parcours clinique en psychomotricité d’une patiente anorexique est développé par Claire Bertin. Elle expose la manière originale dont a été entrepris un travail sur ses appuis, leur perception et leurs représentations au moyen de la cinétographie créée par Rudolph Laban.
Extrait…
« Je rencontre Fanny, dans sa chambre, assise sur son lit d’hôpital, elle a 18 ans et demi et ne peux plus manger. Ses bras maigres et osseux serrent ses genoux contre sa poitrine, son corps semble ramassé et replié sur lui-même comme s’il ne fallait rien laisser déborder, dépasser, déposer. Elle m’apparaît comme suspendue à l’air, installée sur un fil tel un funambule que le vide soutiendrait ? »
Quel corps se construit et se crée lorsque l’appui est absent, instable, discontinue ou encore flottant ? Quelle histoire se joue lorsque la relation entre le corps et son support se défait, quand le sol n’est plus le repère sur lequel s’ériger et à partir duquel se déplacer ?
Cette question touche à nos « fondations » ce sur quoi nous nous sommes appuyés, comment nous avons été soutenus et quelle est la qualité de cet appui autant physique que psychique qui va construire la sécurité de base de notre identité. Les appuis sont précieux et indispensables, ils sont à chercher parfois dans les choses infimes, qui semblent insignifiantes, parfois à partir de ce qui « empêche » pour trouver ce qui enracine. Cet écrit s’intéresse aux premiers moments de la thérapie psychomotrice réalisée auprès de Fanny, jeune fille anorexique, en unité d’hospitalisation pour troubles des conduites alimentaires. Un travail sur les appuis à partir d’un drap housse s’est avéré la première porte d’entrée pour soutenir la relation thérapeutique, l’ouverture vers un travail corporel hors de la chambre, pour enfin permettre la mise en sensations, en images et en mots de son vécu. Tour à tour, nous avons questionné, cherché, découvert ou redécouvert, dessiné et « écrit » ses appuis ainsi que leurs qualités… pour pouvoir les reconnaitre, les nommer et se les approprier.